On était persuadé d’avoir à jamais abandonné la civilisation de l’écrit, analyse Thierry Leterre, chercheur au Centre d’étude de la vie politique française, pour vivre dans celle de l’image et du son, discours d’ailleurs encore dominant aujourd’hui, et on découvre qu’on vient d’inventer un mode d’écriture complètement redynamisé. » Qui, en effet, aurait prédit qu’un jour le Français moyen rédigerait huit lettres par semaine, et en recevait dix dans son petit casier ? « On assiste au retour de l’écrit comme pratique quotidienne de communication », poursuit le politologue. ...

Sauf que « les gens qui n’écrivaient pas avant l’arrivée du mail n’écrivent pas plus depuis, tempère Benoît Melançon, professeur de littérature française à l’université de Montréal« (...) »Certes, mais le fait, qui était devenu très rare, d’avoir plusieurs correspondants quotidiens est redevenu, grâce à lui, absolument massif", objecte Thierry Leterre.

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« Lorsque l’écriture est quotidienne, pressée, elle est toujours affranchie de l’orthographe. Le mail ressemble en cela aux lettres portées chez les honnêtes gens du XVIII^e siècle qui signaient leurs missives par des « je vous prie etc. » Le mail respecte la politesse mais, comme les correspondants ont la flemme de taper les formules en entier, celles-ci raccourcissent très vite », commente Thierry Leterre.

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L’autre danger de cette écriture par trop hâtive, ce sont les listes d’adresses. Thierry Leterre en a fait l’expérience : il adresse à un vieil ami un commentaire « égrillard » et par mégarde clique sur tout son carnet d’adresses. « C’est ainsi que 500 fort sérieux universitaires ont pu lire ce texte destiné à un copain et franchement peu scientifique », rit-il aujourd’hui, prônant depuis l’usage pour une même personne de différentes adresses e-mails avec chacune sa liste de correspondants. Lui en a ouvert sept.