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Réponse à l’enquête « Qu’évoque pour vous le 14 Juillet ? »
Date de publication originale : juillet 2005, par Thierry Leterre
Dans le milieu ouvrier où je grandissais la dimension politique, nationale, de cette date était considérée avec une méfiance soigneuse.
Du 14 juillet, j’ai surtout des souvenirs d’enfance car ma vie adulte a débuté lorsque je me suis trouvé ce jour-là hors de mon pays, et hors de prise de sa fête nationale. A l’ordinaire, c’était une journée un peu triste au camping rudimentaire où nous passions les longs congés d’été de mon père. Tous les magasins étaient fermés et j’attendais que vienne l’heure de la plage en mangeant le pain de la veille au lieu de l’extraordinaire baguette fraîche du boulanger que je dévorais chaque matin. Souvent il pleuvait, et nous n’allions même pas à la plage. Dans le milieu ouvrier où je grandissais la dimension politique, nationale, de cette date était considérée avec une méfiance soigneuse. Pourtant tout sentiment de patrie n’était pas absent, mais il était immédiat, populaire et marqué par la seconde guerre mondiale. L’éclosion des bals populaires rappelait à mes parents l’extraordinaire liesse de la Libération. Peut-être est-ce pourquoi, lorsque nous le pouvions, nous regardions à la télévision le défilé militaire de Paris. Les avions passaient juste au-dessus de chez nous dans un impressionnant vacarme quelques instants après que les caméras les avaient montrés au-dessus des Champs-élysées. Je me précipitais dehors en culotte courte pour admirer l’improbable silhouette triangulaire des chasseurs bombardiers de modèle Mirage. Le soir, mon père posait la vieille échelle de bois contre la gouttière, et le toit de tuiles de notre petit pavillon de banlieue nous servait de terrasse pour admirer le grand feu d’artifice de Paris. J’avais huit ans et bien sommeil lorsqu’éclatait au loin le bouquet final dans l’air tiède de l’été.

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