dimanche 21 octobre 2007, par Thierry Leterre
C’est un sujet un peu décalé, si l’on y réfléchit, que d’aborder la question de la mondialisation à partir des nouvelles technologies de l’information et de la communication - l’on reviendra d’ailleurs sur cette expression.
Décalage double, et même tragique, si l’on relève, tout d’abord qu’après le « 11 septembre » sinistre, la mondialisation a pris un tour dont la violence rend un peu dérisoire toute autre préoccupation ; mais aussi, il semble certainement bizarre de demander à un politiste de s’exprimer devant parterre de spécialistes sur la question de l’informatique…
Le tournant sociétal de l’informatique La mondialisation informatique
On peut répondre à la question ponctuellement (par exemple, noter le rôle considérable que l’informatique a joué dans le développement des transactions financières en rendant possible l’instantanéité des échanges bancaires). On notera d’ailleurs que d’emblée le secteur informatique s’est considéré comme internationalisé (cf. IBM : International Business Machin). Mais un catalogue de ce genre ne serait qu’anecdotique. En fait, tout l’intérêt consiste à retourner la question, et à se demander ce qui dans l’informatique se prête à la mondialisation, ou plutôt ce qui dans l’informatique définit la mondialisation en creux. Pour dire les choses autrement, l’informatique permet de penser ce qu’on nomme « mondialisation ».
(a) Qu’est-ce qu’il y a de spécial dans les ordinateurs pour qu’ils définissent une forme de société (autrement dit : pourquoi les ordinateurs ne sont pas des machines à laver ?) (b) Quel est le type de société que dessine le monde informatique ? L’ordinateur n’est pas une machine
(a) Les ordinateurs ne sont pas des machines mais des outils. Ce sont des outils de communication. Ils définissent en ce sens des rapports entre êtres humains, plus qu’ils ne posent des problèmes de « machinerie ». C’est pourquoi les ordinateurs ouvrent à des questions liés à la société et non seulement à la technique, à une sociologie des rapports humains et non seulement de l’utilisation des machines. Pas de « déterminisme technologique », mais mieux encore, au-delà de la sociologie des utilisateurs.
Cela correspond à :
Des connaissances pratiques (le poids décisif de l’ergonomie, mais aussi les comportements sociologiques liés à l’habitude).
Des conséquences théoriques (les outils de communication sont les intermédiaires entre les humains, et de ce fait l’informatique s’inscrit dans une histoires des média (medium=intermédiaire).
Des paramètres lourds à la frontière entre le théorique et le pratique (le passage de « l’ère de la machine » à « l’ère du soft »).
La mondialisation est liée à la question de la dématérialisation de l’information
Qu’est-ce qu’un ordinateur ? une machine à numériser. C’est la numérisation qui fait de cette machine justement un outil.
Que peut-on dématérialiser ? Dans Star Trek, à peu près tout… mais en attendant, l’information. L’informatique (le mot est à méditer) est créatrice de mondialisation bien plus que produit de la mondialisation parce qu’elle permet des effets marqués de mondialisation dans son activité même.
Les « micro-mandarins » : le retour de la société de l’écrit : c’est un grand paradoxe puisque les analyses classiques sont celles de la société de « l’audio-visuel ». La recherche du « multimédia ».
Segmentation et mondialisation : tout le monde (aux caractéristiques sociologiques près, qui sont celles des « trois C ») peut joindre tout le monde, mais en fait, « tout le mond » n’est pas n’importe qui.
Le monde des « alias » : la nouvelle relation à l’identité. L’individu est lui-même fragmenté.
La conséquence : la mondialisation n’est pas l’uniformité ; de la société de masse de consommation à la société de masse fragmentée (ex : la typographie et Microsoft Word, ex : MacDo).
L’effet des réseaux : des nouvelles formes de sociabilité ?
Conclusion : les nouvelles technologies sont-elles nouvelles ? Non, en un certain sens elles nous font revenir à des modes anciens de sociabilité et même d’identité fragmentée. Doit-on pour autant se débarrasser, comme on le fait volontiers de l’épithète ? Ne pas oublier que l’on est sur des phénomènes qui demeurent rares et l’adjectif doit être maintenus, surtout en France, où les formes sociales liées au développement de l’informatique sont à peu près diamétralement opposées à ce qu’on considère être la norme…