Introduction

mercredi 5 novembre 2008, par Thierry Leterre

“Il faut savoir que l’univers est une lutte, la justice un conflit, et que tout devenir est déterminé par la discorde.”

Héraclite (Traduction d’Yves Battistini)

La théorie des conflits est une composante classique des programmes de science politique tout particulièrement dans le monde anglophone, où elle se développe en théorie de prévention ou théorie de résolution des conflits. Parfois associée à des réflexions incluant la psychologie, voire la neurologie, ou encore la théorie des jeux, la théorie des conflits couvre un large spectre d’interventions.

Le séminaire prendra pour perspective la théorie politique, discipline fondamentale de l’étude des collectivités humaines. Renvoyant à la philosophie, elle nous fournit les concepts, c’est-à-dire les matrices d’analyse, qui nous permettent d’aborder les questions que la vie politique soulève non seulement à partir des faits qui la manifestent mais à partir du sens qui les rend intelligibles et disponibles au traitement d’une science sociale (en l’occurrence la science politique). Cependant, contrairement à la philosophie politique, qui a pour objet d’intégrer la politique à une conception fondatrice et universalisante, la théorie politique est régionale et empirique : elle prend pour objet une région de l’univers bien particulière, les rapports collectifs à l’horizon du pouvoir, et respecte les règles de la neutralité axiologique. Son but n’est pas normatif, il n’est pas essentiellement de dire quelle est la bonne vie politique ou sociale (il peut l’être accessoirement) mais de comprendre quel sens cette vie possède. La théorie politique, à la différence de la philosophie, déconnecte la question du sens et celle de la valeur.

Conçu comme un cycle pluriannuel auquel les étudiant/es de doctorat sont invité/es à se joindre, le séminaire de Master sur la théorie des conflits abordera pour sa première édition les différents aspects de la conflictualité de manière synoptique à partir d’une question fondamentale : quelle place les conflits prennent-ils dans la définition même du social ? Le caractère large de cette interrogation implique nécessairement des choix et ceux-ci sont d’autant plus drastiques que la pensée de la lutte, du conflit, de la guerre, traverse l’intégralité de la réflexion philosophique depuis l’antiquité. On verra que, finalement, le conflit est pensé sur des registres somme toute limités en nombre : il peut signifier une limite, une fondation, ou bien une absence, dans la conception de l’existence collective, ces différentes dimensions n’étant d’ailleurs pas forcément exclusives (le conflit peut être conçu comme fondateur précisément parce qu’il désigne une absence préalable de relations sociales). Compte tenu de l’intrication de ces différentes perspectives, on s’intéressera à leur mise en œuvre à travers la dualité du politique (I) et du social (II).